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Georges Rodenbach - Le miroir du ciel natal
VIII
Le Beffroi, durant la journée,
Porte avec orgueil son cadran clair ;
C’est sa médaille de roi du tir,
C’est son scapulaire brodé,
C’est sa croix pectorale
D’évêque qui domine un vaste diocèse.
Quand le jour va finir,
Debout dans l’air,
Le Beffroi se souvient du passé et s’exalte !
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À d’autres la mémoire est lourde et les ans pèsent !
Il est toujours lui-même ;
Et, dans son armure de briques,
Il se rêve héroïque.
Le crépuscule devient blême ;
L’ombre peu à peu s’accroît
Et s’attaque au Beffroi ;
Mais lui se défend, songe
À ses fastes célèbres.
Il lutte contre l’assaut des ténèbres
Et l’or vaste de son cadran,
Parmi les pierres trop dociles s’encadrant,
Est un bouclier grâce auquel il se prolonge !
Mais l’ombre triomphe !
La nuit règne ; et le Beffroi sent
Sur ses pierres, qui sont nocturnes
Comme le firmament,
Son cadran luire pâlement
Comme un globe mort, comme une autre lune.
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